Par Jessé Roy-Drainville
Que ce soit de nuit ou de jour, les oiseaux ne jurent que par le vent pour leurs grands déplacements. Durant la migration, si le vent est de la partie, les oiseaux le seront aussi, à condition qu’il souffle dans la bonne direction. Au contraire, si le vent est défavorable, ils en profiteront pour se reposer et s’alimenter en attendant la prochaine bonne bourrasque.
Par quel vent danser
Dans l’hémisphère nord, au printemps, c’est le vent provenant du sud qui fait normalement migrer la majorité des oiseaux alors qu’à l’automne, c’est un vent du nord.
Même si cela peut paraître évident, la situation s’avère un peu plus complexe au Québec : les vents sont très rarement aussi francs dans ces deux directions. En effet, à cause de notre position latitudinale et de l’effet de Coriolis, les vents d’ouest sont dominants dans la province et dans les régions avoisinantes. C’est donc avec les vents sud-ouest et nord-ouest que les oiseaux vont se déplacer la majorité du temps.
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Les dunes de Tadoussac, un site d'exception
Un très bon endroit pour observer l’effet des vents sur la migration des oiseaux est l’Observatoire d’oiseaux de Tadoussac. Les relevés visuels automnaux aux dunes de Tadoussac ont débuté de façon standardisé en 1996, et c’est donc plus de 25 ans de données qui ont été recueillies jusqu’à présent sur la migration des oiseaux. De la fin août à la fin novembre, un ornithologue aguerri note des détails précis concernant la force du vent et son origine ainsi que le nombre d’individus de chaque espèce observée en migration, et ce, à chaque heure d’observation.
Les résultats sont plus que concluants : un vent en provenance du quadrant nord-ouest (270 à 360 degrés) est optimal pour y observer la migration des oiseaux. D’ailleurs, plus de 70% des rapaces sont observés dans ces conditions chaque année.
L'importance de suivre les conditions de vents
Le vent s’avère alors le meilleur indicateur d’un arrivage d’oiseaux migrateurs. Il est donc indispensable de surveiller les conditions de vent – sa force et sa direction – avant de partir pour une randonnée ornithologique durant la migration des oiseaux. C’est d’autant plus valable pour les oiseaux qui migrent surtout de nuit (majorité des passereaux insectivores, bruants, strigidés, limicoles, etc.) que pour ceux qui migrent plus de jours (rapaces diurnes, fringillidés, merles, corvidés, pics, pipits, alouettes, etc.).
Une application qui peut être très utile s’appelle Windy. Disponible gratuitement et régulièrement mise à jour, elle devient rapidement un outil essentiel.
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L'arrivée de nouvelles espèces
Si votre intérêt ornithologique est davantage orienté vers l’observation des passereaux, surveillez les bons vents qui ont lieu durant la nuit (provenance sud-ouest au printemps et nord-ouest à l’automne) et sortez vos jumelles à l’aube le lendemain matin. Vous pourriez alors assister à un arrivage de nouvelles espèces plus nordiques dans votre région ou même à des mouvements migratoires matinaux, appelés « morning flight ».
Ces mouvements peuvent être particulièrement impressionnants à Tadoussac à la fin mai, alors que des centaines de milliers d’oiseaux ont déjà été observés en une journée,
Des sites d'observations à découvrir
Si vous voulez plutôt observer des rapaces ou des fringillidés en grands nombres, surveillez les mêmes bons vents, mais qui restent constants toute la matinée et s’étirent idéalement jusqu’en après-midi. Les abords de grands plans d’eau, comme l’estuaire du Saint-Laurent, ou d’une grande ville, comme la banlieue de Québec, sont de très bons endroits pour observer de la migration en temps réel puisque les oiseaux seront réticents à traverser ces obstacles. Si en plus les vents poussent les oiseaux contre ces grands obstacles, c’est alors la recette parfaite pour contempler des phénomènes migratoires exceptionnels.
Les dunes de Tadoussac, entre autres, répondent parfaitement à ces critères, mais également Hawk Ridge à Duluth au Minnesota, Cape May au New Jersey, ou bien Veracruz River of Raptors au Mexique.
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Des oiseaux qui ne font pas comme tout le monde
Cependant, certaines espèces d’oiseaux créent leurs propres règles en ce qui concerne les vents. En effet, on remarque souvent que certaines espèces de goélands apprécient un vent de face pour migrer. Par exemple, une journée de forts vents du sud ou du sud-ouest à l’automne aux dunes de Tadoussac se résume très souvent à très peu ou pas du tout de rapaces ou de passereaux en migration.
Toutefois, les goélands seront de la partie, avec certaines journées pouvant dépasser les 2000 goélands en migrations, avec notamment de bons passages de Goélands bruns (une espèce autrefois rare en Amérique du Nord) en septembre. Cela peut paraître contrintuitif, mais il y a certaines raisons qui pourraient expliquer ce phénomène.
Une question de structure
La structure de l’aile d’un goéland en est la clé : le vent de face vient s’engouffrer sous l’aile et appuie le derrière de l’aile vers le haut, donnant ainsi une poussée à l’oiseau vers l’avant. C’est d’ailleurs des oiseaux qu’est inspirée la structure des ailes des avions modernes. La forme des ailes influence donc la façon dont le vent aide les oiseaux à se déplacer.
Par exemple, les ailes larges des buses permettent aux vents ascendants de les faire monter très haut, et les longues ailes profilées de la Paruline rayée, des limicoles ou des sternes leur permettent de parcourir d’incroyables distances sur plusieurs jours et de fendre le vent même s’il est de face.
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Comprendre la migration des oiseaux n’est pas une tâche facile. C’est en réunissant de bonnes connaissances en météorologie et géographie, en physiologie du vol et en phénologie de la migration qu’on arrive à comprendre et à mieux prévoir la migration des oiseaux. Mais encore là, il nous arrive régulièrement d’être surpris par des mouvements d’oiseaux. Assister à une migration massive est une expérience si marquante et exceptionnelle qu’il vaut la peine de prendre le temps d’en saisir les causes.
Vous pouvez contribuer à nos suivis, afin de mieux comprendre ces mouvements et ainsi, protéger les oiseaux, en nous soutenant ici.