9 janvier, 2025

Par Alexandre Terrigeol

Cet article est un résumé de l’article de Jake Walker et collaborateurs, publié dans la revue Ornithological Applications en décembre 2024.

Le Quiscale rouilleux, quel statut ?

Le Quiscale rouilleux a connu un déclin considérable de sa population au cours du siècle dernier. Entre 1970 et 2010, sa population aurait chuté de près de 90 %. La perte de son habitat, notamment des zones humides forestières sur ses sites d’hivernage et de halte migratoire, apparaît comme l’un des principaux facteurs de cette régression.

Longtemps considéré comme une espèce nuisible, au même titre que d’autres oiseaux noirs, il a également été l’une des victimes collatérales des programmes de contrôle létal visant à réduire les nuisances, les risques sanitaires et les dommages aux cultures.

En photo, un individu en plumage nuptial.

Suivre une espèce, comment ?

L’Observatoire d’oiseaux de Tadoussac, qui réalise des projets de suivi de la migration depuis plus de 30 ans, a lancé en 2014 des projets de suivi spécifiques de suivi à l’aide de nano-émetteurs. Ces projets ont depuis, comme ce récent article, fait l’objet de publications scientifiques, afin de contribuer à l’amélioration de nos connaissances sur les oiseaux du Québec.

De 2017 à 2020, près d’une soixantaine d’individus ont été équipés d’émetteurs aux dunes de Tadoussac. De septembre à novembre, des centaines d’individus sont en effet chaque année observés en migration à ce site. En plus des relevés visuels, des projets ciblés sur plusieurs espèces d’oiseaux, pour lesquelles nous manquons d’informations sur leurs stratégies migratoires, y sont réalisés chaque année.

D’autres individus ont également été capturés en Nouvelle-Angleterre entre 2019 et 2023 dans le but de mieux cerner leurs aires d’hivernage, leurs haltes migratoires et leurs trajets migratoires dans l’est de l’Amérique du Nord. Ces données sont cruciales pour orienter les stratégies de conservation de l’espèce.

Des résultats prometteurs !

Grâce aux émetteurs, détectés par les tours du réseau Motus, une quantité importante de données a pu être recueillie. Les analyses ont révélé l’existence de sites de halte migratoire vitaux, tels que les baies de Chesapeake et du Delaware, où de grandes concentrations de Quiscales rouilleux font une pause pendant leurs migrations.

La plaine du Saint-Laurent et la côte de la Nouvelle-Angleterre jouent également un rôle essentiel dans leur parcours migratoire, offrant des espaces de repos et de ravitaillement indispensables.

En photo, un individu en plumage non nuptial, avec sa couleur « rouille » caractéristique. On peut également observer sa membrane nictitante, une paupière supplémentaire transparente qui protège ses yeux, les humidifie et permet une certaine visibilité.

Considérer les différentes populations pour une meilleure conservation

L’étude a aussi mis en lumière des différences notables entre les stratégies migratoires des deux populations. Les oiseaux du Québec passent plus de temps sur leurs sites de halte migratoire, tandis que ceux de la Nouvelle-Angleterre prolongent leur séjour sur leurs aires de reproduction.

Cela suggère que les oiseaux du Québec dépendent davantage de ces haltes migratoires et des habitats d’hivernage, ce qui pourrait les rendre plus vulnérables, dans un contexte où ces habitats sont en déclin.

Sur la photo, un site de nidification typique du Quiscale rouilleux, généralement situé dans une tourbière, un étang de castor ou un marais, que l’on retrouve au Québec, notamment sur la Côte-Nord.

Une question d’habitat

La protection de cette espèce passe donc par une gestion efficace de l’habitat le long de son corridor migratoire. Bien que complexe, cette démarche est cruciale pour aider le Quiscale rouilleux. Également, en développant davantage le réseau Motus à travers l’Amérique du Nord, d’autres haltes migratoires et sites essentiels pourraient être identifiés, offrant ainsi de nouvelles opportunités pour la conservation de l’espèce.

Pour lire l’article (en anglais) : Walker, J., Bégin-Marchand, C., Terrigeol, A., Therrien, J. F., Côté, P., Burford, L., Foss, C. R., & Tremblay, J. A. 2024. Euphagus carolinus (Rusty Blackbird) from two different breeding populations in northeastern North America exhibit chain migration yet use the same region for stopover. Ornithological Applications, duae066. (téléchargement)