On peut s’extasier devant les couleurs chatoyantes des mâles au printemps, mais ils peuvent être bien plus difficiles à identifier à l’automne. En effet, à cette période de l’année, les oiseaux qui sortent de la forêt boréale ont pour certains une couleur jaunâtre ou verdâtre, qu’ils soient mâles ou femelles, au grand dam de beaucoup d’ornithologues.
Comment les oiseaux font-ils pour avoir toutes ces couleurs ?
Tout d’abord, la couleur des oiseaux peut être obtenue de deux manières, soit par la présence (ou l’absence) de pigments, ou par la structure des plumes qui deviennent iridescentes ou non :
– Les Caroténoïdes : Ces pigments sont obtenus dans l’alimentation des oiseaux et peuvent donc fluctuer selon la quantité de nourriture ingérée, la saison et l’âge des individus, comme chez le Jaseur d’Amérique.
– Les Mélanines : connues également pour améliorer la solidité des plumes. Elles sont notamment présentes chez beaucoup d’oiseaux marins. Celles-ci sont parfois associées aux pigments, faisant en sorte que la couleur sera plus ou moins foncée.
– Les Porphyrines sont des pigments plus rares et uniquement présents chez quelques espèces. Ils produiront une couleur qui deviendra fluorescente face aux ultraviolets.
– Les plumes iridescentes, comme chez l’Étourneau sansonnet, ne sont visibles que lorsqu’elles sont orientées face au soleil, grâce à la structure unique de ces plumes.
– Les plumes non iridescentes, quant à elles, permettront de réfléchir une couleur bien particulière, comme le bleu chez le Passerin indigo.
En photo, une Paruline tigrée.
Les oiseaux tropicaux sont plus colorés ?
Tout d’abord, les parulines hivernent pour la plupart en Amérique centrale et Amérique du Sud, là où l’on retrouve également un grand nombre d’espèces particulièrement colorées. Mais saviez-vous que les oiseaux des tropiques étaient plus colorés ? Une étude récente de Cooney et coll. 2022* a en effet montré que les oiseaux des tropiques étaient en moyenne 30% plus colorés que les espèces de l’hémisphère nord. Les raisons sont multiples, disponibilités en nourriture et conditions relativement constantes ainsi qu’une nourriture elle aussi souvent très colorée, et donc riche en pigment.
Nous apprécions généralement davantage observer les oiseaux colorés, qui sont majoritairement des mâles par ailleurs, que ceux de couleurs plus ternes. On peut par exemple constater qu’il y a 5 fois plus de photos de Paruline à gorge orangée mâle que de femelle sur Macaulay Library.
*Cooney, C. R., He, Y., Varley, Z. K., Nouri, L. O., Moody, C. J., Jardine, M. D., … Thomas, G. H. (2022). Latitudinal gradients in avian colourfulness. Nature Ecology & Evolution, 6(5), 622-629. doi:10.1038/s41559-022-01714-1
En photo, une Paruline à gorge orangée.
Pourquoi toutes ces couleurs ?
En effet, pour les oiseaux, ces couleurs ont un ou plusieurs rôles.
– Grâce aux couleurs chatoyantes, un mâle informera de façon indirecte qu’il est capable de bien se nourrir ET d’échapper aux prédateurs. Des qualités essentielles pour la femelle, si elle souhaite que sa progéniture survive.
– Au contraire, des couleurs ternes ou qui permettent aux oiseaux de se camoufler dans leur environnement vont être particulièrement intéressantes si la pression évolutive est plus importante. Par exemple, on peut difficilement imaginer qu’un Harfang des neiges aura beaucoup de succès s’il est jaune vif.
– Les couleurs peuvent également être utilisées face à des partenaires ou concurrents spécifiquement. Les colibris par exemple orienteront leurs plumes iridescentes lorsqu’ils voudront séduire une femelle ou chasser un compétiteur.
– Finalement, ces couleurs peuvent également permettre d’attirer des prédateurs à l’écart du nid ou des jeunes. Vous avez peut-être déjà observé le Pluvier kildir qui fera mine d’être blessé et exposera alors sa queue colorée.
En photo, une Paruline couronnée.
Mais comment les distinguer ?
Difficile de répondre à cette question en quelques phrases, mais il est important lorsque l’on tente d’identifier des parulines seulement visuellement, de considérer plusieurs facteurs.
– La phénologie : Tous les oiseaux ne se déplacent pas à la même période et certaines espèces sont plus hâtives ou tardives que d’autres. Il est par exemple très rare d’observer une Paruline verdâtre dans le sud du Québec en août, c’est l’une des dernières parulines à migrer.
– Son abondance : Si vous observez plusieurs individus d’une espèce qui est généralement peu commune, voire rare, vérifiez que le plumage d’automne ne lui ressemble pas. La Paruline à poitrine baie est commune au Québec en migration, comparativement à la Paruline des pins.
– Ses contrastes : Sans couleurs, l’important est de regarder des critères plus fins, mais qui peuvent apparaître tout aussi abondants. La Paruline à gorge orangée à une joue brune qui se démarque bien, comparativement à la Paruline rayée.
– Les parties du corps : Cela peut sembler évident, mais porter attention à la forme du bec, la couleur des pattes, la présence de barres alaires, le cercle oculaire, etc. peut faire toute la différence.
De gauche à droite, la Paruline rayée (distinguable à ses pattes oranges), la Paruline à gorge orangée (distinguable avec sa joue brune contrastante) et la Paruline à poitrine baie (distinguable par son bec fort, ses pattes noires et généralement, la présence de baie sur les flancs).
Quelques outils
Nous sommes dans la meilleure période de l’année pour progresser dans l’identification des oiseaux dans leur plumage d’automne. Voici quelques outils qui font suite aux commentaires plus haut :
– The Warblers Guide : LE guide le plus complet pour distinguer les parulines de l’Amérique du Nord, que ce soit visuellement ou auditivement, avec des photos en fonction de l’âge de l’oiseau.
– Le guide Sibley : Grâce aux superbes dessins de David Sibley, il peut être plus facile de distinguer les critères à regarder comparativement aux photos. Avec l’application mobile, vous pouvez également comparer les espèces proches morphologiquement.
– La librairie Macaulay : Bibliothèque imposante de photos d’oiseaux prises sous toutes les coutures et à toutes les périodes de l’année, par des ornithologues amateurs ou professionnels.
– La station de baguage la plus proche de chez vous : Quoi de mieux que de visiter une station de baguage et découvrir les subtilités du plumage des oiseaux en main et autrement que caché derrière une feuille d’arbre ?
En photo, une « vraie » Paruline verdâtre.