Par Alexandre Terrigeol
Nous venons de vivre une vague de chaleur importante, particulièrement tôt dans l’année, battant ainsi plusieurs records dans la province. Cette vague de chaleur survient également en plein durant la période de reproduction des oiseaux, alors que beaucoup de jeunes sont encore au nid. Doit-on alors s’attendre à une hausse des mortalités ?
Un peu de biologie
Il peut être facile de s’alarmer pour les oiseaux dans ces conditions, si l’on compare notre façon de gérer ces importantes températures. Un fait important cependant, la température corporelle des oiseaux, et notamment des passereaux, est supérieure à la nôtre et varie entre 39 et 43 degrés Celsius. On retrouvera d’ailleurs cette variation, autant entre les espèces, qu’entre les sexes.
Pour faire face aux températures importantes et malgré l’absence de glandes sudoripares (qui nous permet de transpirer et d’abaisser notre température corporelle), les oiseaux vont haleter pour dissiper la chaleur et s’hydrater autant que possible (importance des milieux humides), en privilégiant les heures les plus fraîches de la journée.
Finalement, la température a des conséquences importantes sur le développement des organismes, que ce soit les oisillons ou les insectes dont ils se nourriront. À ce sujet, on peut trouver dans la littérature des impacts autant positifs que négatifs, dépendamment des espèces étudiées (Sauve et collab. 2021)
Des impacts différents
Il existe un nombre important d’études scientifiques qui se sont penchées sur la variabilité des réactions des oiseaux face aux importantes températures. Comme souvent, il n’y a pas de conclusion uniforme chez les oiseaux, et c’est tant mieux !
En plus d’une variabilité observée entre les espèces, la zone géographique peut avoir un impact additionnel. En effet, ces épisodes de chaleur dans les zones désertiques peuvent être catastrophiques avec des cas de mortalité massive (Fey et collab. 2014). En milieu tempéré, une étude (Pipoly et collab. 2022) a notamment montré que les oiseaux se reproduisant en milieu forestier pourraient souffrir davantage des épisodes de chaleur que les individus habitant les milieux urbains. Ils avaient ainsi une masse corporelle et une longueur de tarse plus faibles, et souffraient d’une mortalité accrue lorsqu’ils faisaient face à un plus grand nombre de jours chauds pendant la période au nid.
Ces mesures morphométriques, le succès de nidification ainsi que la température ambiante journalière sont tous présentement notés dans le cadre de nos travaux à la RNF du Cap-Tourmente et elles nous permettront ainsi d’en savoir davantage sur les effets de la chaleur.
Ce projet a été réalisé avec l’appui financier d’Environnement et Changement climatique Canada.
À quoi s’attendre dans le futur ?
La difficulté à laquelle devront faire face les organismes dans le futur réside davantage dans la variabilité des changements climatiques, que dans la seule augmentation de la température. Mais davantage d’études sont nécessaires afin de mieux comprendre et anticiper les conséquences qu’auront ces changements globaux sur la faune aviaire.
Alors que l’on peut s’attendre à une augmentation de la biodiversité aviaire dans la province dans les prochaines années, avec ce que l’on appelle le paradoxe de la biodiversité nordique (Berteaux et collab. 2021), la capacité de ces organismes à faire face à d’importantes hausses de température peut également être variable.
On peut ainsi s’attendre à ce que des espèces qui ont davantage l’habitude de vivre dans des environnements chauds survivent mieux que les espèces nordiques. Ces changements climatiques auront malheureusement également des conséquences sur les feux de forêt et les épisodes de sécheresses, qui ne devraient pas épargner les oiseaux forestiers.
Devant la variabilité des effets des changements climatiques sur les espèces d’oiseaux (Andreasson et collab. 2020), presque aussi variable que la diversité des espèces d’oiseaux, il est difficile de prédire avec certitude, quelles espèces devraient profiter de vagues de chaleur, et autres épisodes climatiques et quelles espèces devraient en souffrir. C’est là tout le rôle et l’importance des suivis à long terme que nous effectuons à l’Observatoire d’oiseaux de Tadoussac depuis 1993. Autant les projets de suivis de la migration nous permettent d’avoir une meilleure idée du succès reproducteur, afin de le relier à des facteurs environnementaux, que les projets effectués durant la période de reproduction des oiseaux.
Références :
Andreasson, F., Nilsson, J. Å., & Nord, A. (2020). Avian reproduction in a warming world. Frontiers in Ecology and Evolution, 8, 576331.
Berteaux, D., Blois, S. D., Angers, J. F., Bonin, J., Casajus, N., Darveau, M., … & Vescovi, L. (2010). The CC-Bio Project: studying the effects of climate change on Quebec biodiversity. Diversity, 2(11), 1181-1204.
Pipoly, I., Preiszner, B., Sándor, K., Sinkovics, C., Seress, G., Vincze, E., … & Liker, A. (2022). Extreme hot weather has stronger impacts on avian reproduction in forests than in cities. Frontiers in Ecology and Evolution, 10.
Sauve, D., Friesen, V. L., & Charmantier, A. (2021). The effects of weather on avian growth and implications for adaptation to climate change. Frontiers in Ecology and Evolution, 9, 5.