17 mars, 2025

Par Laetitia Desbordes

Imaginez une nuit froide en forêt boréale, où le ciel s’embrase d’hypnotisantes aurores : un spectacle à couper le souffle. L’année 2024 a été marquée par de nombreuses apparitions de ces lumières, qui captent l’attention des scientifiques et des rêveurs. Mais au-delà de cette beauté visuelle, ces phénomènes célestes soulèvent des interrogations fascinantes sur leur influence sur la faune qui évolue sous ces cieux étincelants. Ces lumières pourraient-elles avoir un impact sur notre faune ?

Le cycle solaire et ses impacts

Le cycle solaire est un phénomène naturel qui dure environ 11 ans, au cours duquel l’activité solaire fluctue, allant de périodes de faible activité à des périodes de forte activité. Suivi depuis plus de quatre siècles par l’Humain, ce cycle est marqué par des variations dans le nombre de taches solaires et des éruptions solaires qui libèrent de grandes quantités de particules et d’énergie dans l’espace.

Bien que ces événements se produisent à des distances considérables de la Terre, ils entraînent des répercussions sur l’environnement, le climat, et même la technologie.

Les aurores : phénomène fascinant

Les aurores se forment lorsque les particules solaires et de puissants champs magnétiques en provenance du Soleil interagissent avec les atomes et molécules de l’atmosphère terrestre. Ces phénomènes lumineux spectaculaires se produisent dans les régions proches du pôle Nord, que l’on nomme les aurores boréales, et leurs homologues dans l’hémisphère sud appelées aurores australes.

Ces lumières dansent dans le ciel nocturne sous des formes variées créant ainsi un spectre de couleurs éblouissant. Les couleurs que l’on observe sont ensuite directement liées aux particules atmosphériques qui entrent en contact avec les particules du soleil. Le vert par exemple, plus facile à observer, est associé aux molécules d’oxygène, à une altitude de moins de 300km.

Les mammifères au coeur du sujet

Des mammifères, comme le Lièvre d’Amérique (Lepus americanus) et le Porc-épic d’Amérique (Erethizon dorsatum), semblent également influencés par le cycle solaire. Des études canadiennes ont montré que leurs comportements alimentaires et leur abondance pouvaient être liés aux variations du nombre de taches solaires et des conditions climatiques qui en découlent.

Durant les années de fortes activités solaires, la productivité primaire est en effet augmentée, ce qui a des conséquences sur la disponibilité en nourriture.

Mais qu’en est-il de la faune ailée ?

Des vagabonds en migration !

Il est bien connu que de nombreuses espèces aviaires se fient à la magnétoréception pendant la migration. Cependant, ces boussoles internes peuvent être perturbées par de puissantes tempêtes solaires. En Amérique du Nord, des études ont ainsi montré que la migration pourrait diminuer de 9 à 17 % pendant de tels phénomènes.

En plus des tempêtes tropicales, comme les ouragans, les perturbations géomagnétiques peuvent également provoquer du vagabondage, entraînant une augmentation du nombre d’oiseaux perdus durant leur migration, les obligeant à dévier de leur trajectoire.

C’est peut-être ce qui est arrivé à ce Moucherolle à ventre roux, observé l’automne passé dans la région, alors qu’il est originaire de l’ouest de l’Amérique du Nord.

Le mystère des Nyctales de Tengmalm

La Nyctale de Tengmalm (Aegolius funereus), une petite chouette vivant en forêt boréale, est connue pour ses déplacements irruptifs cycliques en Amérique du Nord. Ces migrations sont principalement influencées par l’abondance de nourriture, notamment le Campagnol à dos roux de Gapper (Myodes gapperi), sa principale proie.

Pourtant, l’équipe de l’Observatoire d’oiseaux de Tadoussac se souvient : lorsque les nuits où les aurores dansent dans le ciel, elle enregistre également la présence de la Nyctale de Tengmalm. Existe-t-il une connexion cachée entre ce phénomène lumineux et la présence de ces oiseaux ?

On peut observer la Nyctale de Tengmalm à Tadoussac entre la mi-septembre et la fin octobre durant le programme de surveillance des populations de nyctales.

Aucune conclusion hâtive

L’idée de corrélation entre les aurores boréales et la migration des petites chouettes boréales est fascinante, mais aucune preuve scientifique n’est établie, pour le moment. Est-ce une simple coïncidence que ces chouettes traversent notre ciel lors de spectacles lumineux, ou la réponse restera dans l’ombre, là où la science peine encore à saisir la totalité de l’impact des cycles solaires sur nos écosystèmes ?

Les projets de sciences fondamentales ont pour mission de collecter des données qui, à terme, pourraient répondre à des questions imprévues lors de leur lancement. Alors, qui sait, peut-être qu’un soir, sous le ciel illuminé de ces aurores, une chouette nous révélera enfin la clé de ce mystère !