14 mai, 2024

Le mois de mai est considéré comme le mois préféré des ornithologues et il est aisé d’être impatient de l’arrivée des passereaux néotropicaux au printemps. Après plus de 6 mois sans voir les couleurs chatoyantes des parulines, l’attente peut même sembler interminable. Chacun se met alors à prédire leur date d’arrivée ou à interpréter l’arrivée tantôt hâtive, tantôt tardive de certaines espèces. Mais ce qui est sûr, c’est que presque tout le monde s’entend pour dire que chaque année est étrange, certainement bien différente de l’année précédente. Mais si c’était simplement notre imagination ? Ou la combinaison de facteurs environnementaux ?

Des différences régionales

Quand on regarde le sud du Québec avec près d’une vingtaine d’espèces de parulines, et plusieurs records battus de dates d’arrivée, il pourrait être aisé de conclure que nous connaissons un printemps hâtif. En revanche sur la Côte-Nord, certains oiseaux ne semblaient pas aussi pressés d’arriver. Mais pourquoi ? Plusieurs raisons peuvent expliquer l’arrivée hâtive de certaines espèces et un retard d’autres, mais voici deux pistes de réflexion :

– Les oiseaux privilégient les vents favorables pour se déplacer, soit des vents du sud et évitent en général les précipitations. Dépendamment de leurs haltes migratoires, certains auront la possibilité de se déplacer plus au nord et d’autres non.

– Il peut être avantageux de migrer plus tôt pour arriver le premier sur un territoire, mais c’est également un pari risqué si les conditions se détériorent ou que la nourriture vient à manquer.

Des outils pour suivre la migration

Pour aider à la réflexion, nous pouvons utiliser la multitude d’applications et sites internet maintenant mise à notre disposition.

Windy est une application qui se concentre essentiellement sur le vent, comme son nom l’indique, mais inclut également de plus en plus de données météorologiques. Vous pourrez ainsi voir des prévisions d’intensité du vent et directions pour la semaine à venir avec une précision de 3 heures pour l’option gratuite.

GLAM est un site de la NASA qui permet de voir les anomalies de NDVI, soit la différence entre le proche infrarouge (que la végétation réfléchit fortement) et la lumière rouge (que la végétation absorbe). On constate par exemple que pour une large zone du sud du Québec jusqu’à Trois-Rivières, ainsi que certains endroits plus au nord, la végétation semble en avance (en vert). Même chose pour le Bas-Saint-Laurent, comparativement au reste de la Gaspésie ainsi que la Côte-Nord qui ressortent en rouge (et donc en retard).

– Le blog de Paul J. Hurtado se base sur les données de l’Athmospheric and Oceanic Sciences, de l’université du Wisconsin-Madison afin d’utiliser les données radars, sur lesquels on peut observer les déplacements d’oiseaux, en plus des précipitations, en déplacement. Malheureusement encore seulement pour les États-Unis, ces données restent intéressantes en sachant que les oiseaux peuvent parcourir plusieurs centaines de kilomètres en une nuit. Surveillez la frontière avec le Québec, si vous voyez une multitude de petits points en déplacement la nuit.

Quelles conséquences ?

Bien que des records hâtifs soient battus, ce qu’on constate c’est généralement une variabilité plus importante dans les conditions environnementales et donc dans les dates d’arrivée des oiseaux. Cette variabilité peut avoir des conséquences importantes sur la survie et la reproduction des oiseaux, mais qui dépend également des stratégies migratoires.

Peut-on s’attendre à une mégamigration inverse ?

Si vous n’avez jamais entendu parler de ce phénomène, nous vous invitons à lire notre section Relevés visuels.

Depuis 2018, les dunes de Tadoussac sont sous surveillance du 5 mai au 6 juin afin de documenter et tenter de mieux comprendre ce phénomène exceptionnel. Depuis, plusieurs journées à plus de 10 000 oiseaux ont été documentées et ont fait les grands titres de plusieurs journaux internationaux (The New York Times 2018, Bird Watcher’s Digest 2023, Birdwatch 2024). Des centaines de milliers d’oiseaux en déplacement vers le sud-ouest amènent en effet leurs lots de questions et il reste difficile, voir impossible de prévoir avec certitude qu’un tel scénario se produise à nouveau. En revanche, ces dernières années, le nombre de Parulines qui constituent la grande majorité des oiseaux en déplacement sud-ouest est particulièrement élevé, notamment en raison de la tordeuse de bourgeons de l’épinette dont elles se nourrissent. Celle-ci est en effet encore bien présente sur la Côte-Nord et dans Charlevoix. D’autre part, en raison du retard de l’émergence de la végétation dans ces deux régions, ainsi que des conditions météorologiques qui n’ont pas favorisé de déplacements d’envergures, une grande partie des passereaux néotropicaux est principalement cantonnée dans le sud du Québec.

Des oiseaux par milliers

Bien que ces informations soient favorables à une migration d’importance à partir du 20 mai, ce sont principalement les conditions météorologiques qui permettront ou non d’assister à ce déplacement massif d’oiseaux. Il reste encore impossible de garantir qu’un tel événement se produira à nouveau cette année, surtout de l’ampleur de 2018. Comme nous l’avons constaté dans le passé, les conditions généralement favorables à un tel mouvement font suite à des vents du sud durant la nuit, suivis de forts vents nord-ouest le lendemain matin. Dans tous les cas, nous vous invitons à venir découvrir ou redécouvrir ce projet de recherche sur les dunes de Tadoussac et nous espérons que vous verrez des milliers d’oiseaux avec nous.

Celui-ci est d’ailleurs entièrement dépendant de vos dons pour fonctionner, vous pouvez contribuer à son maintien. Merci !